
L’utopie du bocal zéro déchet
Le zéro déchet fait de plus en plus d’adeptes, et ce, malgré le petit ralentissement qu’il a subit au début de la pandémie. Les projets en région et au travers le monde se multiplient en vue de d’éliminer les déchets et le plastique, un contenant à la fois. Non seulement le mouvement zéro déchet est-il intéressant d’un point de vue environnemental, mais il l’est également de façon économique.
Et par économique, nous ne parlons pas forcément de votre portefeuille directement. Non. Nous parlons bien de celui de villes, des MRC et bien sûr, de notre gouvernement. C’est pourquoi l’intérêt pour le mouvement brasse de bien belles choses auprès de la classe entrepreneuriale comme auprès de nos différents ministères depuis 2017. Des économies, il y en aura ! Moins les citoyens enverront de déchets à l’enfouissement et moins il en coûtera aux villes, voir aux contribuables, pour enfouir ces mêmes déchets.
« Le zéro déchet a explosé en 2017 : c’est LA tendance la plus en vogue dans l’industrie alimentaire. » — Le nutritionniste urbain
Mais voilà, la popularité d’un mouvement, d’une personne ou même d’une influenceuse, apporte aussi son lot de détracteurs et d’incrédules. Mais pourquoi le mouvement zéro déchet dérange-t-il autant ?

Photo de Lisa provenant de Pexels
Un terme qui dérange
Le zéro déchet dérange beaucoup. Il dérange justement parce qu’il représente l’absolue, soit une limite quasi-impossible à atteindre pour la plupart des individus. Cependant, la réalité est bien différente, complexe et pourvue de nombreuses subtilités.
Le terme zéro déchet, tel que nous le connaissons de nos jours, provient du best-seller : Zerowaste Home, de l’Américaine d’adoption Béa Johnson ayant popularisé le mouvement en 2014 avec la médiatisation massive de son célèbre bocal de 1 kg de déchet pour une famille de (4) quatre personnes.
Évidemment, tout ceci n’est qu’un leurre et les habitués du mouvement, s’ils n’ont pas la tête dans le sable, vous le diront. On ne fait pas vraiment zéro déchet comme aucun déchet, on tend vers un mode de vie zéro déchet. C’est un objectif, un idéal, mais l’image parfaite du bocal de (1) un litre représentant la totalité de nos déchets annuels reste très utopique. Des déchets, il y en a beaucoup plus et nous y reviendrons…
Du reste, le terme zéro déchet a été utilisé pour la première fois, au Canada, en juin 1976 par le Bureau de la conservation de l’énergie du Ministère de l’Énergie, Mines et Ressources sous les Libéraux avec le livre : La Poubelle au régime : Comment économiser énergie et argent en gaspillant moins. Cet ouvrage de référence, fourni gratuitement à chaque famille, fournissait une multitude de conseils judicieux pour les aider à réduire leurs déchets. On y traite, en autre, de la nécessité de réduire les déchets domestiques, des habitudes à développer pour réduire le gaspillage alimentaire et de comment éviter le suremballage auprès des commerces. Tout y passe, même le compostage domestique ! Dans ce petit recueil, on informe également le consommateur qu’il serait préférable pour lui de fabriquer sa propre nourriture pour sa santé, plutôt que d’opter pour des repas industriels et qu’il serait bien d’utiliser ses propres contenants pour faire ses courses auprès des commerçants locaux.
Au gouvernement, le MAPAQ, autrement nommé jadis, offrait même des programmes d’aide sous la forme de soutien téléphonique pour les familles désireuses d’obtenir des solutions à la réduction de leurs déchets alimentaires, ainsi que toute la méthodologie sécuritaire à la conservation des aliments (le fameux cannage en pot Mason). Aujourd’hui, ces mêmes informations sont toujours disponibles sur le Site du Gouvernement du Canada à qui veulent bien y faire des recherches. À cela, sachez qu’en 1976, c’est 1500 lb de matières résiduelles par personne qui étaient envoyées aux ordures chaque année. Les données n’ont pas vraiment changé depuis… à l’exception qu’aujourd’hui, le recyclage vient alléger ce gaspillage de ressources assourdissant, quoiqu’il n’en soit pas moins une solution temporaire à un problème permanent et grandissant.
Donc, le problème ne date pas d’hier. En 1976, on s’inquiétait déjà de la surproduction des déchets générés par le consommateur et le plastique n’avait même pas encore fait son apparition de façon massive sur nos tablettes ! C’est peu dire que nous avions déjà une idée des problématiques qui se pointaient à l’horizon.
Revenons au célèbre bocal de déchet de 1L annuel…
Le bocal zéro déchet de Madame Johnson est le symbole le plus célèbre du mouvement, mais tout comme le logo d’une entreprise, il ne représente qu’une image de marque à diffuser dans le but d’identifier et de populariser une entreprise, un mouvement ou un organisme dans les médias.

Nous souhaitons donc vous inviter à ne pas de vous comparer à cette image, car elle n’est malheureusement pas le reflet de la réalité et de tout ce qui est produit comme déchets lorsque nous avons le dos tourné. Des déchets qui peuvent provenir, en autre, de la protection des marchandises durant le transport, des rebus faits dans le cadre de vos fonctions au travail ou à l’école, ou même des rejets faits en cuisine auprès de votre restaurateur favori… et la liste est encore longue. Bien que tous ces déchets ne soient pas directement faits par vous, ils le sont indirectement auprès d’une tierce partie dans l’équation.
C’est ce que nous appelons des déchets invisibles ou déchets cachés.
Les déchets cachés
Les déchets cachés sont difficilement calculables et les chiffres peuvent varier d’un individu à l’autre, selon le lieu de résidence et des habitudes de vie de chacun. Ainsi, pour mieux identifier ce que représente notre impact sur l’environnement, il ne faut pas uniquement se limiter qu’à sa production de déchets, mais bien de voir au-delà de l’emballage. Et pour se donner une petite idée, il existe plusieurs calculateurs d’empreinte carbone afin de mesurer notre impact environnemental. En voici un exemple :
http://monclimatetmoi.ca/gestes-a-poser/calculateur-dempreinte-ecologique/
En effet, nos déchets visibles ne sont que la pointe de l’Iceberg et lorsque l’on embrasse un mode de vie zéro déchet ce sont principalement ces déchets que nous éliminons de notre vie. Au 420 kg de matières résiduelles envoyées dans les sites d’enfouissements par habitant, selon certaines statistiques, il faudrait ajouter près de 14 tonnes de déchets (agroalimentaires, industriels, municipaux, etc.), sans compter ceux qui ne sont pas comptabilisés à l’échelle planétaire dans les milieux où aucune donnée statistique n’est recensée à l’heure actuelle. Chaque achat allant de la simple bouteille d’eau jusqu’au petit pot de yogourt que vous mangez le matin, bio ou non, local ou non, aura eu un impact sur le cycle de la vie. Même l’eau du robinet à son lot de déchet, eh oui !
Rien. N’est. Absolu. Vous n’avez de contrôle que sur ce que VOUS faites et ce que VOUS produisez… et non sur le reste.
Alors voilà ! Acheter, c’est voter.
Le mode de vie zéro déchet, c’est surtout ça… et ce n’est surtout pas le contenu de votre bocal personnel. C’est un mode de vie où l’on exprime notre désir de faire de notre mieux tout en respectant nos valeurs au travers de tous les services modernes à notre portée… L’important, c’est d’en être conscient.
Pour le reste, il y a des tonnes de façons de réduire les déchets cachées, mais commençons donc par réduire ceux que nous produisons nous-mêmes, à la maison. 😉
Curieux de connaître d’autres astuces pour réduire vos déchets invisibles? Consultez nos différents billets de blogue!
Sources : http://www.mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/Agroenvironnement/1457_Rapport.pdf
http://www.hydroquebec.com/developpement-durable/centre-documentation/taux-emission-ges.html
https://www.economie.gouv.qc.ca/bibliotheques/secteurs/environnement/empreinte-carbone-des-produits/bilan-du-projet-pilote-sur-lempreinte-carbone-des-produits/
Livre : La Poubelle au régime (1976). Gouvernement du Canada.




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